Texte: Daniel Böniger
Prendre une valise. Le voyage de Marco Campanella au Japon a mal commencé. Et pour cause, sa valise a été perdue! Et c'est ainsi qu'à Tokyo, il lui a d'abord fallu acheter des vêtements avant que ne commence réellement son voyage culinaire, escapade nippone organisée par Issho Taberu, une petite entreprise de Brunnen (SZ) qui importe et vend des couteaux japonais traditionnels. Tom et Ruri Kuroiwa, l'équipe locale de ce marchand de couteaux, ont servi de guides. Le «Cuisinier de l'année 2025» de GaultMillau (19 points dans son restaurant Eden Roc à Ascona, TI), ne peut toujours pas dire quelle expérience l'a le plus impressionné. Sa rencontre avec des apprentis cuisiniers? Le dîner épique chez le chef étoilé Seiji Yamamoto? Ou la visite chez le coutelier Toshiki Nanbu? «Heureusement que ce n'était pas mon premier voyage au Japon, lâche-t-il. Je n'ai donc pas eu peur de passer à côté de quelque chose, j'ai pu vraiment m'immerger». (Grande photo en haut : Marco Campanella et le coutelier Toshiki Nanbu.)
A la Musashino Culinary School avec le directeur Aizumi Yoshitaka (en tablier).
Tradition millénaire. Ce qui a d'abord ébahi le chef Campanella, c'est la subtilité des préparations de la cuisine japonaise. Un bouillon pour ramen ressemble peut-être à première vue à un consommé de la cuisine française, formule-t-il. La tempura de poisson rappelle peut-être aussi, dans ses fondements, nos filets de poisson panés. Mais la cuisine japonaise est bien différente de la nôtre. «C'est comme si les plats japonais étaient préparés avec plus de conscience, de compréhension du produit, le fruit d'une tradition millénaire», explique le cuisinier.
trente minutes d'aiguisage. Observation confirmée à la renommée Musashino Culinary School, où Marco Campanella a pu voir comment les couteaux étaient soigneusement aiguisés pendant une demi-heure avant chaque service. Ou ensuite, lorsque la leçon sur les brunoises d'oignons a eu lieu. À l'occasion de sa visite, Marco Campanella a également donné une conférence. Le thème? «Un bon cuisinier rend les clients heureux – mais cela n'est possible que si son équipe est heureuse». Les élèves se sont montrés intéressés et ont posé d'innombrables questions, lors d'un échange d'égal à égal. «Les futurs cuisiniers n'ont que dix-neuf ou vingt ans, mais ils sont extrêmement motivés, comme je l'ai rarement vu», commente le chef.
Marché aux poissons de Fukui : Ici, la journée de travail commence à 3h30 du matin, et quelques heures plus tard, tout est vendu.
«Chaos contrôlé». Le chef s'est également rendu à une vente aux enchères de poissons, «un chaos contrôlé», décrit-il. Ce qui l'a particulièrement impressionné, c'est la rapidité avec laquelle de nombreuses tonnes de poisson ont été vendues: «Certains restaurants cherchaient spécialement de la morue charbonnière, d'autres avaient des crevettes au menu et en cherchaient – à la fin, tout était vendu, jusqu'au dernier morceau».
Le thermomètre dans l'œil. Plus tard dans la matinée, une visite chez le coutelier Toshiki Nanbu, âgé de 85 ans, à Echizen, était au programme. L'homme fait partie des producteurs qui fabriquent régulièrement des couteaux pour Issho Taberu. Marco Campanella s'est dit fasciné de la façon dont cet homme robuste peut reconnaître la température du feu uniquement grâce à sa couleur. «Il n'a pas d'appareils de mesure au degré près comme dans nos cuisines! Et chaque coup de marteau est si précis!», s'exclame le chef étoilé suisse, qui confie vouloir être derrière les fourneaux à quatre-vingts ans lui aussi. Et il ajoute avoir, grâce à cette visite, encore plus de respect pour cet artisanat. A tel point qu'il ne peut plus imaginer laisser un couteau négligemment dans l'évier: «Après avoir servi, il doit être nettoyé avec respect.»
85 ans, et au feu chaque jour: le forgeron Toshiki Nanbu.
Marco Campanella dit avoir encore plus de respect pour ses couteaux après cette visite.
Oubliez le thermomètre: le maître forgeron reconnaît la température à la couleur de la flamme.
Le temple de la bonite. Sur la péninsule d'Izu, Marco Campanella a également visité la manufacture Kanesa. Depuis cinq générations, la famille Serizawa y produit du katsuobushi, de la bonite séchée. Il s'agit de poisson fumé et fermenté, utilisé comme ingrédient principal pour les bouillons dashi japonais. «Séchage, salage, fumage – tout est fait à la main, remarque le chef Marco. Et pourtant, plus de deux tonnes de poisson sont transformées chaque mois».
Marco Campanella et Yasuhisa Serizawa, dans la fabrique de bonite Kanesa.
Les bonites sont fumées en vue de leur préparation.
Ici aussi, les gestes sont précis. La manufacture Kanesa est exploitée depuis cinq générations.
Menu traditionnel japonais. Le Tessinois a également pris part à un repas en 14 services au restaurant trois étoiles RyuGin, à Tokyo. Le chef Seiji Yamamoto a fait découvrir à son confrère suisse les racines de la cuisine japonaise, en cuisinant un menu plus traditionnel, moins moderne que d'habitude. Il avait également mis la main sur quelques ingrédients exceptionnels, tels que de l'ormeau, un coquillage raffiné aussi appelé «truffe de mer». «Chez nous aussi, on trouve de l'ormeau, mais je n'en avais jamais mangé d'aussi frais et pur», commente Marco Campanella. Mais ce n'était de loin pas le plat le plus surprenant. Il y a aussi eu de la langue de baleine, de l'anguille d'eau douce, des œufs séchés d'holothurie épineuse (un cousin de l'oursin, également appelé concombre de mer), et même un shabu shabu de tortue! «C'est sûr, ça n'a rien à voir avec les sushis que nous connaissons», sourit Marco Campanella.
Tempura? Pâtisserie? Qu'est-ce que Seiji Yamamoto va cuisiner avec la farine tessinoise que Campanella lui a offerte?
Le chef signe son livre de cuisine d'une calligraphie artistique.
L'heure des cadeaux! Ce soir-là, le cuisinier de l'année a renoncé à sortir son téléphone portable. Ce qui, décrit-il, a rendu l'expérience beaucoup plus intense. «C'était comme jouer sur une place de jeux en étant enfant. Nous avons pleinement vécu l'instant présent, et en un clin d'œil, cinq heures s'étaient écoulées», assure le chef. Les deux cuisiniers se sont finalement offert des cadeaux: de la farine tessinoise Farina Bona et du fromage d'alpage suisse pour Yamamoto ; un livre de cuisine signé d'une belle calligraphie pour Marco Campanella. Et si c'était cela, le meilleur moment de son voyage?
Les couteaux japonais d'Issho Taberu
Photos: DR (Celso Cattaneo)