Énergie renouvelée. Pour tous les vins suisses, le marché alémanique est porteur. Mais contrairement à ce que l'on pourrait supposer, s'y faire une place n'est pas si facile pour les artisans romands. Pour y remédier, l'Office des vins vaudois (OVV) a mis sur pied quelques initiatives pour partir à la conquête de la Suisse alémanique, notamment par le biais d'un plan de relance vitivinicole de trois millions de francs, mis en œuvre en 2022. Si «plusieurs initiatives étaient déjà bien installées avant ce plan de relance, elles ont pu être développées davantage, et d'autres créées avec succès», selon le directeur de l'OVV Benjamin Gehrig.
(Grande image ci-dessus: les bateaux d'Expovina sur le lac de Zurich)
Benjamin Gehrig, directeur de l'Office des vins vaudois.
Clientèle et goûts différents. Pourquoi le marché est-il si difficile d'entrée? Pour les personnes interrogées, la clientèle alémanique est biberonnée aux vins internationaux, français notamment, en plus d'avoir une belle - mais petite, 18% de la production suisse - production autochtone. Et les goûts sont différents: contrairement à ce que l'on pourrait penser, le roi des cépages en pays de Vaud perdrait sa couronne outre-Sarine. «On remarque que les cépages plébiscités en Suisse alémanique sont légèrement plus doux que ceux qui trustent les caves ici, constate Benjamin Gehrig. Le chardonnay, le pinot gris, le sauvignon blanc et le viognier, par exemple, tirent parti de ces différences de goûts.» Les palais sont une chose, mais selon Laurent Munier, à la tête du Domaine de la Montardière, la clientèle a aussi une manière de consommer le vin différente: «Ici, le marché est très dense. Les clients vont facilement chez plusieurs vignerons. Je remarque qu'en Suisse alémanique, certainement en raison d'une plus faible proportion de domaines, la clientèle est plus fidèle à l'un ou l'autre. Cela permet d'avoir une stabilité.»
Diversité des vins vaudois. Food Zurich, Salon des Vins Vaudois, OLMA, Swiss Wine Tasting… Petit à petit, tous les grands événements se sont mis aux vins vaudois, qui sont même devenus Hôtes d'honneur lors d'Expovina! Événement de deux semaines sur des bateaux amarrés à la Bürkiplatz (sur le lac), Expovina est un témoin parfait de la ferveur populaire qui prend petit à petit. En 2023 et 2024, un bateau entier avait été apprêté aux couleurs vaudoises. L'an dernier, Noé Christinat et ses parents Olivier et Nathalie (installés à Ollon, en culture bio) avaient présenté leur travail à bord. «J'apprécie la volonté de l'OVV de montrer la diversité des vins, notamment les bios, biodynamiques et natures, explique Noé Christinat. Nous avons accepté cette invitation à Expovina, afin de toucher une autre clientèle.»
Noé Christinat et ses parents Olivier et Nathalie.
Canton actif. «Grâce à l'OVV, le canton de Vaud est très actif dans la promotion de son vignoble, explique Pascal Schlittler, directeur d'Expovina. Notre événement existe depuis septante ans et a toujours accueilli de grandes maisons vaudoises. Mais ces dernières années, le travail a été différent et minutieux, afin de trouver des perles, des petits domaines qui représentent la diversité vinicole du canton, et je m'en réjouis. Ces découvertes sont possibles uniquement lorsque de fortes collaborations sont en place.» L'homme élargit sa vision aux vins suisses, croit en l'excellente qualité de ces derniers et estime que pour attirer un plus grand public, il est nécessaire de pouvoir faire goûter ces vins régionaux. «C'est notre rôle de faire changer les mentalités, grâce à ce travail de promotion du local. Mais cela se fait pas à pas.»
Pascal Schlittler, directeur d'Expovina, à Zurich.
Vendre là-bas, visiter ici. Y aller étape par étape. Tel est aussi le mantra de l'OVV et de Noé Christinat: «Les efforts fournis en Suisse alémanique - comme ailleurs - sont des gouttes d'eau, et nous ne savons jamais quand nous en récolterons les résultats. Cela dit, nous avons reçu il y a dix jours l'équipe d'un bar zurichois qui souhaite collaborer à l'élaboration d'une cuvée exclusive.» Cheffe de projets et responsable communication à l'OVV, Céline Baechler complète: «Les voyages découverte organisés dans le vignoble vaudois et destinés à la presse et aux professionnels fonctionnent bien. Ces relais sont très importants, car outre la connaissance technique des vins, ces professionnels découvrent des lieux et des histoires. Un atout indéniable pour bien raconter le vin vaudois.» Dernière initiative érigée dans ce sens: la mise sur pied d'une formation sur deux jours (aussi destinée aux professionnels alémaniques), donnée à Changins et intitulée «Vins vaudois dans la restauration: découverte et vente».
À l'instar des autres régions viticoles romandes et vaudoises, Lavaux devient une destination incontournable pour les amateurs de vin à l'international, et de Suisse alémanique.
Succès. L'OVV n'a évidemment pas attendu le plan de relance de 2022 pour son démarchage alémanique. De son côté, le Domaine de la Montardière participe volontiers aux diverses initiatives de l'OVV (notamment avec le nouvel Escargot Rose), bien qu'il a passé le Röstigraben dès 1997. «Nous nous y sommes rendus pour quelques clients qui ne pouvaient plus se déplacer jusqu'à Tartegnin, explique Laurent Munier. Petit à petit, le bouche-à-oreille a fait son effet, et aujourd'hui, nous nous rendons plusieurs fois par an dans diverses régions pour livrer notre clientèle privée.» De 350 bouteilles «exportées» outre-Sarine en 1997, les Munier sont passés à 37'000 aujourd'hui. Environ 40% de leur production annuelle.
Vins vaudois «on tour»? Zurich, Bâle, Winterthur, Berne, St-Gall: les villes sont désormais coutumières des événements vinicoles vaudois. Mais qu'en est-il des régions? «Nous planchons sur la phase deux du plan de relance et espérons que le Canton de Vaud nous soutiendra dans nos démarches sur le projet «vin vaudois en balade», afin de nous faire davantage connaître en dehors des villes, explique Céline Baechler. Mais attention, l'ensemble de nos campagnes se font dans le respect des autres régions viticoles de Suisse. Nous mettons en avant le vin vaudois, mais valorisons le vin suisse dans son ensemble.»
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Photos: Cemil Erkoc/Zürich Tourismus, Clément Grandjean, David Carlier, DR
