C'est un beau roman… Trente ans, formation de cuisinier, diplôme en marketing… Avec un tel pedigree, Guillaume Toupance pourrait faire un carton dans des centres urbains, voire réussir dans les plus grands établissements. Et pourtant, l'élégant jeune homme vient de reprendre le restaurant des Six-Communes à Môtiers, au fond du Val-de-Travers (NE). Les yeux brillants, il raconte, une petite semaine après la réouverture: «Je suis né dans le Val-de-Travers, j'ai grandi à Buttes, à deux kilomètres de là. Petit, je passais devant les Six-Communes et je me disais qu'un jour, ce serait mon restaurant.» L'histoire pourrait sortir d'un conte, mais elle est devenue réalité, dans cette bâtisse édifiée au XVIe siècle, reconstruite et agrandie dans les années 1590, avant d'endosser les rôles de marché couvert, d'hôtel, de maison de commune et de restaurant.
(Grande image ci-dessus: le chef des Six-Communes Mattéo Dauphin, le propriétaire Guillaume Toupance et la directrice Ieva Boksberga)
Ces quatre dernières années, le Restaurant des Six-Communes a été tenu par Nora et Joffrey Jacob, après 21 ans de Marianne et Pierre-Alain Rohrer. Ce sont eux qui l'ont fait entrer au GaultMillau en 2016 (13/20).
Mercato Môtiers-Neuchâtel. Le nom de Guillaume Toupance vous dit quelque chose? C'est parce que le trentenaire, outre les Six-Communes et la Brasserie du Marché à Fleurier (NE), est également directeur et propriétaire de l'Hôtel DuPeyrou (15/20), cette institution du cœur de la capitale cantonale dont les fourneaux sont tenus par Edmond Bavois. Et c'est là-bas qu'il a recruté les pépites qui animent aujourd'hui la salle et le piano de Môtiers. Le mercato interne permet donc à Joffrey Jacob d'intégrer la brigade du chef Bavois, à la cheffe pâtissière du DuPeyrou Ieva Boksberga de prendre le rôle de directrice à Môtiers, et de l'ancien chef de partie Mattéo Dauphin de faire le même trajet et d'endosser la toque de chef au Six-Communes. Un des Meilleurs apprentis de France 2022 (ils sont six à avoir obtenu ce titre), l'homme n'a que 20 ans, mais toutes ses dents et surtout, plein de talent.
Asperges, hollandaise acidulée, jambon cru de la vallée.
Maquereau et gel d'absinthe en amuse-bouche. Hors desserts, il s'agit de l'unique touche d'absinthe du repas.
Veau, truffe, céleri, saladine.
Simplicité, efficacité. Pour sa première place de chef, qu'il voit comme «une géniale opportunité d'apprendre encore et encore», Mattéo Dauphin assure un service qui ne surprendra pas l'épicurien averti, mais qui ravira le gourmet curieux. Les fines tranches de veau cuit s'assouplissent d'un crémeux au céleri et d'une vinaigrette au balsamique, et les asperges croquantes sont dynamisées par un siphon de sauce hollandaise acidulée, accompagné d'un œuf parfait. Puis, l'agneau en deux façons, en carré et en effiloché d'épaule, s'adjoint un jus liquoreux et intense, ainsi que des röstis géométriques bien cuits et gourmands. La truite et son beurre blanc au mousseux Mauler, elle, est escortée par une purée de pomme de terre justement assaisonnée et quelques tronçons d'asperges, à la cuisson encore une fois maîtrisée.
Truite de Môtiers, beurre blanc au Mauler, asperges.
Agneau, röstis, purée d'aubergine, jus.
Sablé breton, jus de rhubarbe, mousse de mascarpone vanillée, framboises fraîches.
Des anciens patrons heureux. En salle, Mattéo Dauphin peut compter sur sa compagne Ilona Bourgeois, maître d'hôtel à l'œil attentif et au verbe engageant. Le duo semble bien fonctionner, et les époux Rohrer - qui ont tenu le restaurant depuis 21 ans et l'ont fait entrer au GaultMillau en 2016 - ne s'y sont pas trompés. Rencontrés de l'autre côté du restaurant, à l'espace vinothèque - très joliment aménagé au demeurant -, les deux restaurateurs ne tarissent pas d'éloge à propos de la nouvelle équipe. «Nous sommes heureux de voir ce restaurant revivre, et d'une très jolie manière. Le résultat dans l'assette est réussi, et plus que cela, la reprise par Guillaume est un réel bonheur. Il connaît la région et a une vision que nous apprécions pour les Six-Communes.» L'agréable mariage de l'histoire locale et d'une modernité bienvenue.
L'espace vinothèque a été réaménagé afin d'accueillir de petits groupes d'amis, et d'installer la quinzaine de fromages afin que les convives viennent les choisir. Un clin d'œil à la cave à fromage de l'Hôtel DuPeyrou.