Texte: Marc David Photo: Julie de Tribolet

Albert Michellod propose plus de 35 pains différents à Leytron (VS) et à Ovronnaz (VS). Souvent primé au Swiss Bakery Trophy, il est depuis 2016 président des boulangerspâtissiers-confiseurs valaisans. Une première: jamais un pâtissier n’avait été choisi.

 

Comment ressentez-vous l’appellation AOP, obtenue en 2004?

C’est une fierté: nous avons été le premier pain au monde à la recevoir. Aujourd’hui, nous sommes rejoints par nos amis fribourgeois et leur cuchaule, autre produit de tradition.

 

De quoi se compose-t-il?

Pas de secret: de la farine, de l’eau, du sel, du levain. C’est le pain qui me tient le plus à cœur. Il est l’image de notre canton. Il a d’ailleurs l’obligation d’être produit entièrement en Valais, de la semence au moulin. Il y a une quinzaine d’années, nous en avions cuit au Comptoir suisse, à Lausanne, dans un four mobile. Un fonctionnaire m’avait alors interdit d’y afficher la pastille AOP, juste parce qu’il n’avait pas été cuit en Valais…

 

Comment le décririez-vous encore?

Sa mie est très serrée et contient beaucoup d’humidité. C’est dû à la fermentation lente de la pâte, d’une durée d’au moins dix-huit heures. Je prépare donc le pain de seigle la veille, pour le proposer le lendemain. Ensuite, il faut prendre garde à le conserver dans un endroit sec, pour ne pas risquer qu’il moisisse. A l’époque, les anciens plaçaient ces pains dans des raccards, à l’air libre, où ils pouvaient sécher et étaient préservés des souris. C’était le pain de tous les jours, qui pouvait se garder deux à trois mois.

 

En quoi ce pain correspond-il aux Valaisans?

Par son caractère. Le pain de seigle vient du fond de notre histoire. Quand on connaît le climat et la géographie du Valais, il est normal qu’il soit devenu notre pain cantonal. Le seigle est une céréale résistante, comme le Valaisan, dont il a le côté pittoresque. Il suffit de voir comment nos gens travaillaient et travaillent encore dans les vallées. J’ai l’occasion de rencontrer des amis paysans dans le val d’Hérens: c’est du robuste. A l’époque, ils étaient aussi des marcheurs, toujours en route.

 

Quelle autre qualité possède ce pain?

Il est très riche et contient beaucoup moins de gluten. Cette appellation AOP s’applique si le pain se compose de 90% de seigle et de 10% de froment. Quand on le mange, on voit la montagne, les vaches.

 

Que dire de son goût?

Il est toujours différent et se caractérise par son acidité. C’est ce qui fait son charme. Dans ce domaine-là, j’apprécie par exemple celui de la Boulangerie Arnold, à Simplon-Village. On aime ou on n’aime pas, mais il est extrêmement intéressant.

 

Avez-vous des souvenirs d’enfance?

Partout en Valais et dans les restaurants, il y avait du pain de seigle. Mon souvenir, c’est que chacun avait sa propre recette. Aujourd’hui, il faut continuer à se montrer très rigoureux pour le préparer..

 

Le trouve-t-on encore partout?

Dans le canton, 49 de nos 90 boulangers proposent du pain de seigle AOP. J’aimerais que tous nos membres en vendent sur leurs étals. C’est mon objectif, aussi à l’occasion du 80e anniversaire de notre association. Car beaucoup de boulangers proposent encore leur pain de seigle à eux. Il est excellent mais ne peut pas s’appeler AOP, à cause des 90% de seigle que celui-ci doit renfermer.

 

Avec quels aliments se marie-t-il bien?

Tous les produits locaux. La viande séchée, le jambon cru, les fromages d’alpage. Je trouve magnifique le mariage avec la tomme de chèvre et un peu de miel valaisan.

 

Les jeunes générations l’apprécient-elles aussi?

Les jeunes sont aussi fiers de leurs racines. J’ai plaisir à voir ce pain faire partie de toutes les manifestations populaires. Surtout s’il est coupé en tranches, les gens l’emportent en pique-nique.

 

Pour vous, boulanger, quel est le meilleur moment?

Quand le pain de seigle sort du four, notamment d’un four banal. Au niveau de l’odorat, il dégage une puissance qu’aucun autre ne possède.

 

_

 

Boulangerie Le Délice

Route de Saillon 6

1912 Leytron

027 306 32 91

Site internet