Demi-tour complet. Jusqu'à l'été 2024, c'est lui qui utilisait les meilleures techniques de ventes pour promouvoir les vins de la Cave de la Côte. Mais depuis ce début d'automne, Marc Vicari a changé de combat: c'est désormais la désalcoolisation des vins helvétiques qu'il va développer. «J'ai eu des problèmes de santé en été 2023, quatre mois durant lesquels l'alcool m'a été prohibé», raconte l'homme, rencontré dans l'une des salles de l'Ecole d'ingénieurs de Changins, près de Nyon, partenaire de son projet dénommé «la vigneronne». «Durant cette période, j'ai eu le temps de réfléchir à notre consommation, ou non, d'alcool. J'ai remarqué que de plus en plus de consommateurs passent au sans-alcool, régulièrement ou non. Mais aussi, qu'il est parfois compliqué de trouver une bonne boisson sans alcool, notamment pour les moments sociaux comme l'apéritif ou les repas. La Suisse est par ailleurs en retard dans les technologies de désalcoolisation du vin: on ne trouve actuellement que des vins étrangers désalcoolisés chez nous. J'ai envie de changer cela.»
Crowdfunding et projet précis. Avec «la vigneronne», Marc ouvrira donc le premier centre de désalcoolisation de vin en Suisse, soutenu par de multiples collaborations dans cette aventure, dont, pour l’acquisition de compétence en la matière Benoît Bach, Professeur d'œnologie à Changins, et Gilles Cornut, directeur technique de la Cave de la Côte, à la retraite depuis cette année et qui en apporte son expérience. À terme, les vignerons intéressés pourront apporter leurs cuvées à Perroy, dans les locaux d’Œnologie à façon (une société partenaire spécialisée dans les services aux producteurs de vin), et les reprendre peu après, désalcoolisées, mises en bouteilles et étiquetées. Afin de financer la recherche et développement avec l’école de Changins, il lance ce 17 septembre un crowdfunding. «L'objectif de cette initiative n'est pas de faire des vins sans alcool la norme, mais de répondre à une demande croissante et de combler un retard technologique et de production par rapport à nos voisins, continue Marc Vicari. Nous avons de la chance de pouvoir profiter de l'expérience de ces derniers, dont la production et les marchés des vins sans alcool sont déjà bien implantés. À nous d'en tirer le meilleur.»
Mais comment faire? «Le marché du sans-alcool est en pleine expansion, se réjouit Marc Vicari. Encore faut-il avoir les bonnes technologies pour obtenir les meilleurs résultats et permettre à notre production de se profiler. C'est pour cela que nous mettons la machine en route dès maintenant.» Mais comment enlève-t-on l'alcool d'un vin? À l'instar de ce qui a été fait pour la bière depuis le début du millénaire, il s'agit d'une distillation, l'alcool (l'éthanol) s'évaporant à 78°C à pression et altitude normales. Soit bien plus bas que l'eau et les autres composés chimiques du vin. «Mais nous distillerons sous vide, car cela permet de réduire la température en dessous de 40°C et donc de conserver au maximum les arômes et autres composés positifs du vin», précise Marc Vicari. Le but n'est pas juste de faire du sans-alcool, mais du bon vin sans alcool.
On ne compare pas. «Ce projet est bien accueilli par le monde viticole romand, assure Marc Vicari. Les professionnels de la vigne comprennent que ce projet ne va pas contre eux, mais en parallèle, avec eux. Nous voulons aussi tirer le maximum de chaque cépage et de nos typicités régionales, et nous pourrons jouer avec les paramètres de chaque cuvée afin de créer le meilleur vin sans alcool possible.» Bientôt, entre boire et conduire, il n'y aura plus besoin de choisir.
Photos: La vigneronne