Romain Lécuyer n’est pas le type à baisser les bras au premier obstacle. L’année passée, il a été l’un des premiers à lancer des plats à l’emporter, il a ensuite ouvert un restaurant spécialisé dans les burgers pour s’adapter à la situation et il s’est fait chef à domicile, avec succès. Mais après un an, il constate que le public en a marre et que les mesures prises pour soutenir les restaurateurs en ville sapent l’énergie qui reste à ceux des villages.

 

Vous avec lancé un service de plats à l’emporter. Un succès?

Oui, en fait l’idée me titillait avant le covid, alors j’étais quasiment prêt. Ça été un peu compliqué de trouver rapidement des contenants bios et compostables, mais une fois ce côté pratique réglé, grâce à un article dans le journal local, ça a été le succès.

 

Mais avec les vagues successives de fermeture des restaurants, l’enthousiasme des clients s’affaiblit?

Oui, après un très bon été, avec le 2e confinement, ça s’est compliqué. Les gens se sont lassés. Mais ça nous a permis de payer les fournisseurs et les charges. Comme nous sommes indépendants, nous n’avons pas de droit aux RHT, alors on s’est dit qu’il fallait aller au-devant des clients et on a ouvert un burger dans un centre commercial, près de la sortie d’autoroute.

 

Et ça a marché?

Oui! Nos burgers sont faits avec du pain maison, de la viande de chez le boucher et ils coûtent 15 francs. Le succès est au rendez-vous. Mais je suis étonné de voir qu’à 100 mètres de là, les gens font carrément la queue devant une grande chaîne de burgers…

 

En parallèle vous vous êtes lancé comme chef à domicile?

Oui, quand il faut fermer du jour au lendemain, ça pose des problèmes de gestion des produits. Et surtout, ça nous a fait plaisir d’aller chez les clients, car c’est un autre contact et on peut à nouveau dresser des assiettes! En plus, ça nous a sauvés: 60 dates réservées de janvier à mars, parfois même deux fois par jour, nous ont permis de survivre. Parce qu’à la troisième fermeture, on a vu une baisse des plats à l’emporter.

 

Comment expliquez-vous cette baisse?

La ville d’Yverdon a lancé les «assiettes solidaires», une mesure de soutien aux restaurateurs locaux. Une excellente idée, d’ailleurs, à condition d’être installé sur la commune. Mais pour nous, qui sommes tout près, l’effet a été dramatique: on est passés de 20 commandes par repas à 4 ou 5. En février et mars, on a enregistré 70% de commandes en moins. Or, je dois sortir sept salaires… Et la TVA n’hésite pas à facturer d’emblée des frais de rappel.

 

Comment avez-vous fait?

On a élargi le rayon du service de chef à domicile en allant chez des particuliers qui nous connaissaient à La Chaux-de-Fonds et au Mont-sur-Lausanne, par exemple. On a affiné la gestion de la cave, qui est à présent quasi vide. Et je dois dire que nos fournisseurs se sont montrés d’une tolérance incroyable. Cela dit, même si j’avais un peu de réserves, on arrive au bout. Et je pense que je ne suis pas le seul patron d’auberge de village dans ce cas-là.

 

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