Texte: David Schnapp Photos: Joan Minder, Thomas Buchwalder 

MICHÈLE MEIER, TOUT D’ABORD, FÉLICITATIONS POUR VOTRE TITRE DE «CUISINIÈRE DE L’ANNÉE»! COMMENT PERCEVEZ-VOUS CE PRIX ET VOS NOUVEAUX 16 POINTS?

J'ai des sentiments mitigés. Tout d'abord, la joie est immense. Ce prix est une confirmation précieuse que la passion et l'énergie que j'ai mises dans mon travail en valent la peine. Je me sens un peu moins à l'aise avec l'idée d'être sous les feux de la rampe, et je ne suis pas une personne qui aime être le centre de l'attention.

 

LE 16e POINT CHANGE-T-IL QUELQUE CHOSE À VOTRE TRAVAIL?

Je suis plus préoccupée par la pression à laquelle je pourrais être exposée. Je respecte les attentes accrues que cela implique, mais en même temps je veux rester fidèle à ce que nous faisons ici et surtout maintenir notre niveau de qualité. Je pense qu'il faut aussi pouvoir rester cool et profiter du moment présent.

Lucide Luzern 2020: Christian Gujan, Gastgeber, Michèle Meier, Chef

La «Cuisinière de l'année» Michèle Meier et le directeur du restaurant Christian Gujan.
 

POURQUOI ÊTES-VOUS DEVENUE CHEFFE?

Je savais déjà en 7e année que j'aimerais devenir cuisinière. Fleuriste aurait été une autre option, mais la décision a finalement été facile à prendre.

 

ET D'OÙ VOUS VIENT VOTRE AMOUR POUR LA CUISINE?

La nourriture a toujours occupé une place centrale à la maison. Avec mes parents et mes deux frères et sœurs, nous nous retrouvions à la table familiale midi et soir. Pendant la semaine, notre mère nous préparait une belle cuisine du quotidien et, le dimanche, c’était parfois mon père qui se mettait aux fourneaux.

 

AVEC QUEL RÉSULTAT?

Parfois, on passait à table à 15 heures (rires), mais le repas en valait la peine: tripes à la tomate, sauce à l'oignon caramélisé pendant des heures, spaghettis… et à Noël, langue de veau à la sauce madère.

Lucide Luzern 2020: Aprikose, Vanille-Quarkschaum, Mandelkrokant

La «Cuisinière de l'année» est aussi une excellente pâtissière! Abricot, vanille, amande cassante...
 

VOUS AVEZ FAIT VOTRE APPRENTISSAGE CHEZ NIK GYGAX, RÉCEMMENT DÉCÉDÉ, À THÖRIGEN. IL ÉTAIT CONSIDÉRÉ COMME UN CUISINIER BRILLANT AU CARACTÈRE DIFFICILE. COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU CETTE PÉRIODE?

J'ai commencé mon apprentissage en 1994 dans un simple bistrot, où l’on travaillait beaucoup avec des produits finis et semi-finis. Ce n'était pas ce que j'avais imaginé. J'ai donc fait une demande d'apprentissage à Gygax et j'ai dû tout recommencer. Là, tout était fait maison, même la pâte feuilletée. L'atmosphère dans une cuisine où mijotent les sauces a été une découverte. Ce n'était certes pas facile, mais nous admirions Nik Gygax, c'était une personne de référence, mais assez lunatique.

 

AVEZ-VOUS PENSÉ À ABANDONNER?

Non, j'aimais trop la cuisine. Aujourd'hui encore, les aspects positifs de la profession l'emportent sur les aspects négatifs, même si c’est une profession exigeante. Sans la compréhension de mon partenaire, par exemple, qui n'est pas dans la restauration, une relation serait presque impossible.

 

POURQUOI LA CUISINE EST-ELLE UN DOMAINE AUSSI EXIGEANT?

Peut-être parce que ça ne s'arrête jamais. On peut toujours faire quelque chose, affiner quelque chose. Mais c'est aussi pour ça que je ne me lasse pas, et je ne peux même pas imaginer que ce moment pourrait venir un jour. De l'achat des produits à leur préparation, en passant par leur service, les possibilités sont infinies.

 

QUEL GENRE DE CHEFFE ÊTES-VOUS?

Je suis aimable, mais déterminée. Je me fâche parfois, mais c’est rare. On obtient de meilleurs résultats quand les employés aiment leur travail, j'en suis convaincue.

 

À QUOI FAITES-VOUS ATTENTION EN ÉLABORANT VOS REPAS?

Pour moi, l'harmonie du goût est importante, et il faut que l’on reconnaisse ce que l’on a dans son assiette. Il faut respecter le produit. Par exemple, une carotte n'a pas besoin d'avoir une saveur asiatique. Et puis, tout est question de qualité et de constance du goût.

 

LES CUISINIERS PARLENT SOUVENT DE VÉRIFIER L’ASSAISONNEMENT, QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE EXACTEMENT?

Il s'agit de l'impression générale des plats, afin qu'ils ne soient pas fades mais qu'ils n'aient pas non plus un goût trop prononcé. Cela commence par le salage de l'eau dans laquelle les légumes sont cuits et qui affecte tous les processus de création d'un plat. C'est pourquoi je teste tout, encore et encore. Pour moi, vérifier l’assaisonnement signifie en fin de compte atteindre le point où je suis satisfaite.

Rüebli

Carottes du marché de Lucerne. Par Sarah Friedli.

Geisskäse Toni Odermatt

Fromage de chèvre de Meierskählen. De Toni Odermatt.
 

Eigenbrötler

Le pain cuit au feu de bois. De «Eigenbrötler» Daniel Amrein.

VOUS FARCISSEZ PAR EXEMPLE DES RAVIOLIS FAITS MAISON DE FROMAGE À L'ALCOOL DE TONI ODERMATT, DE BETTERAVE, DE NOISETTE ET DE BEURRE NOISETTE. COMMENT VOUS VIENNENT LES IDÉES DE NOUVEAUX PLATS?

Il faut que je puisse me vider la tête. Ensuite, je m'assieds d'abord à mon bureau et j'écris des idées. Je les laisse reposer un moment avant d'en discuter avec le gérant de mon restaurant, Christian Gujan. Il sort lui-même beaucoup au restaurant et ses contributions sont souvent précieuses. Petit à petit, une image du plat prend forme dans ma tête, et je l'explique à l'équipe avant que nous commencions à le mettre en œuvre.

 

POUVEZ-VOUS RÉSUMER VOTRE CUISINE EN UNE PHRASE?

Je m'efforce d'avoir une cuisine honnête qui me corresponde. Je me sens donc à l'aise avec ce que je fais.

 

Michèle Meier, 41 ans, est chef de cuisine au Lucide à Lucerne depuis 2019 (16 points). Avant cela, elle était au Blinker à Cham (14 points). Auparavant, elle avait travaillé au Kreuz à Emmen, chez Hans-Peter Suter, et au Löwen de Nik Gygax à Thörigen, où elle a effectué son apprentissage.

 

>> www.lucide-luzern.ch