Texte: Knut Schwander Photos: Pierre Vogel et Catherine Bienvenu

Vous allez passer dans l’émission «Top Chef» du 12 mai. Comment cela s’est-il fait?
Il y a deux ans, nous avions déjà organisé un tournage à Valence. Cette fois, mon rôle consiste à lancer une thématique – que je dois évidemment garder secrète. Puis, c’est aux candidats de travailler un plat dans l’esprit de ma maison. Joyeux, le tournage s’est très bien passé. Même si j’ai constaté que les candidats m’imaginent très stricte, on a beaucoup ri et eu de très beaux échanges.

 

De manière générale, comment considérez-vous ce type d’émission?

C’est une occasion offerte à de jeunes cuisiniers, un tremplin incroyable, leur offrant une visibilité médiatique extraordinaire. Même pour nous, après le Top Chef UK, le téléphone n’a pas arrêté de sonner pendant deux mois. Pour les candidats, évidemment, il ne suffit pas d’être éclatants une fois, devant la caméra. Il faut ensuite se projeter dans la durée. Mais c’est souvent le cas: Top Chef a ainsi lancé des carrières.

 

Et votre rôle de jury, comment l’avez-vous vécu?

Je tiens à être le plus juste possible, toujours. Les critères sont le visuel, l’émotion que procure le plat, l’audace et, bien entendu, le goût. Mais, vu le temps imparti, c’est la spontanéité qui fait la différence et l’intention du candidat est centrale, plus que le résultat. Il est en effet impossible d’obtenir un produit fini de restaurant triplement étoilé en si peu de temps, mais si l’on en décèle les ingrédients prometteurs, c’est ce qui fait la différence. Au restaurant, il faut évidemment plus de temps pour élaborer un plat abouti.

Blanc-manger asperges

Blanc-manger aux asperges.

Sole de petits bateaux

Sole de petits bateaux et pommes de terre soufflées.

Covid oblige, vous avez justement disposé de beaucoup de temps. Comment avez-vous vécu l’année écoulée?

J’ai passé par plusieurs phases émotionnelles. D’abord, l’extrême tristesse. Il m’arrivait de pleurer dans mon restaurant vide. C’est comme une guerre! Mais je tiens à toujours montrer un visage optimiste. Après un temps d’adaptation, je suis passée à une période plus joyeuse. J’ai commencé à profiter de tout ce temps pour réfléchir à ce que l’on peut faire quand on a beaucoup plus de temps. Et j’ai décidé d’aller là où mes aspirations me portaient.

 

C’est-à-dire?

Au jardin, pour planter. Mais aussi pour libérer l’énergie des équipes que j’ai encouragées à aller voir les producteurs, à faire du sourcing novateur en cohérence avec ce que je veux, c’est-à-dire un sourcing vertueux et local. Une démarche qui n’est d’ailleurs pas antagoniste avec les produits d’ailleurs que nous allons continuer à valoriser.

 

A Lausanne, cette réflexion aura-t-elle des effets?

Durant cette année, Kévin Vaubourg (le chef du restaurant Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace, ndlr) et Thibaut Honajzer, chef pâtissier, ont pris de la maturité. Ils ont notamment investi la serre du parc pour planter des herbes aromatiques de manière autonome. De mon côté, j’ai fait évoluer ma cuisine et j’ai entrepris de redynamiser le travail en salle: ma cause, aujourd’hui, c’est l’imprégnation: avec les équipes de sommellerie, emmenées par Paz Levinson, ma cheffe sommelière exécutive, on développe l’imprégnation absolue, grâce à des accords mets-boissons sans alcool. Le but, c’est que, pour le client, ce soit un prolongement de l’assiette. Depuis l’été dernier, nous proposons ces accords à Valence, et dès septembre aussi en Suisse.

Tourte agneau Pic

Tourte printanière à l'agneau.

   tarte frais gariguette et geranium rosat

Tarte aux fraises Gariguette et geranium rosat.

Pendant le confinement, vos équipes n’étaient donc pas à l’arrêt?

Dès le 2e confinement, nous avons développé des formules inédites, de la vente à emporter notamment avec la formule Pic & Go. On a créé pour cela un site dédié. Et il nous arrive de vendre 250 menus qui sont acheminés dans toute la France par Chronofresh. C’est tout un savoir-faire que nous avons développé et que nous allons garder: je suis très enthousiaste. Mais bien entendu, il ne s’agit pas d’expédier ainsi des menus correspondant à ce que nous servons au restaurant. Il s’agit de cuisine plus traditionnelle. Et nous ne voulons pas vendre de kits non plus, qui laissent une trop grande marge de manœuvre entre notre intention et le résultat. C’est pourquoi les consignes de réchauffement, par exemple, sont toujours très précises.

 

Avez-vous élaboré d’autres projets?

Dès la mi-mai, nous allons lancer le Pic up truck, un food truck. Pour cela, nous avons aménagé un Citroën TUB comme celui de mon grand-père et nous l’avons équipé pour y faire des burgers. Pour l’instant, il sera stationné à Valence, plus tard, on verra…

 

>> www.anne-sophie-pic.com