Texte: Siméon Calame | Photos: LaureN Pasche

Qu’on l’appelle plant robert, plant robez ou plant robaz, ce cépage cultivé en Lavaux par une douzaine de vignerons reste unique: «une robe sombre, [...] des notes épicées voire poivrées, [...] à la fois sauvage et distingué». Telle est la présentation qu’en fait l’Association plant robert-Robez-Robaz (APRRR). Malgré un cahier des charges précis, tous les artisans de la vigne en tirent des vins différents. Jeudi, lors d’une soirée spéciale organisée par l’association Slow Food Vaud et l’APRRR, ce sont 100 amatrices et amateurs qui ont dégusté et noté cinq plant robert différents. Le «Prix du public» a été décerné au Domaine Potterat. La présidente de Slow Food Vaud, Brigitte Streiff, répond à nos questions. (Grande photo ci-dessus: dégustation à l'aveugle pour les juges)

 

Brigitte Streiff, qu’est-ce que le plant robert a de si particulier?

Variété de gamay originaire du Lavaux, ce cépage est cultivé sur à peine plus de 5 hectares (ndlr: selon le magazine spécialisé Vinum), et les douze vignerons producteurs en tirent environ 30’000 bouteilles par année, ce qui fait une production intimiste pour un seul cépage. Il a aussi pour lui une jolie légende historique, mais surtout, il est menacé de disparition. C’est pour cela que Slow Food souhaite en prendre soin.

 

Voulez-vous faire du plant robert un presidio Slow Food?

Le plant robert fait partie de l'Arche du Goût, inventaire mondial qui répertorie des produits menacés d'extinction faisant partie de nos cultures et de nos traditions. Notre mission est de faire découvrir au grand publie cette biodiversité alimentaire. Un événement d’une telle ampleur permet de «populariser» plus facilement un produit. Seuls cinq cépages helvétiques sont actuellement inscrits à l'Arche: le Servagnin et le plant robert dans le canton de Vaud, la Durize et la Grande Arvine en Valais et la Bondola au Tessin, qui vient justement de passer presidio… Alors oui, bien sûr!

Plant robert

Le plant robert du Domaine Potterat a été sacré!

Et pourquoi ne pas avoir choisi l’autre vin vaudois, le Servagnin?

Nous avons beaucoup hésité. Mais le plant robert bénéficie d'une certification officielle. C'est une association très active, l’Association plant robert-robez-robaz. Cela donne l’impulsion nécessaire à la popularisation de ce vin et se place dans la droite ligne de ce que souhaite Slow Food en valorisant des produits méconnus en voie de disparition.

 

À l’instar du boutefas, que Slow Food Vaud mettait en avant ces dernières années lors d’un événement similaire, y’a-t-il l’envie de donner une AOP ou une AOC au plant robert?

Non. C’est un point qui a lancé de vifs débats, mais une AOC ou une AOP interdirait aux quelques producteurs de plant robert qui ne sont pas membres de cette association (à Genève, par exemple) d’utiliser ce nom. Ce serait contre-productif.

 

Jeudi, le public a décerné son prix au plant robert du Domaine Potterat. Etait-ce aussi votre favori?

Joker! (rires) Ils sont tous différents et chacun a sa particularité. Je les apprécie tous, mais ne peux pas donner de favori…

Plant robert

Les gens présents ont voté selon s’ils aiment ou non les vins dégustés, selon leurs ressentis du moment.

Y’a-t-il vraiment autant de différences entre les vins plant robert?

Oh oui! C’est l’une des particularités liée au cahier des charges: très précis quant à la culture de la vigne, il laisse une totale liberté aux vignerons pour la vinification. Cela donne donc des élevages plus ou moins longs et dans des cuves de matériaux différents: tout cela influence le résultat final, et c’est la beauté du vin.

 

Un concours qui sacre le vin d’un vigneron est-il pertinent pour mettre en valeur le cépage dans son ensemble?

Nous voyons plutôt cet événement comme une fête du plant robert. Le concours est un prétexte pour promouvoir ce vin et son histoire, et les vignerons de l’association ont plus envie de valoriser ensemble le plant robert que de gagner individuellement un tel concours. De plus, les gens présents ont voté selon s’ils aiment ou non les vins dégustés, selon leurs ressentis du moment. Pour moi, la gastronomie (nourriture et vin) n’est pas une question de podium ni de classement, mais d’émotions et de plaisir. Cette soirée en fut l’exemple parfait.

 

>> www.plant-robert.ch