Texte: Damien Vaucher

Elle rend fou? Si tout le monde connaît l’absinthe, il circule pourtant sur ce produit mythique une pléthore d’idées erronées. Est-elle toujours illégale? Rend-elle fou? Produit-elle des effets hallucinogènes? Autant de fantasmes projetés sur la Fée verte par les ligues antialcooliques du XXe siècle et qui lui collent encore à la peau, comme l’explique et le documente l’exposition permanente du musée de l’absinthe à Môtiers. Mais les amateurs s’accordent à dire que seule la rumeur identifiant cette boisson comme diablement divine est exacte! Fruit du mélange de grande absinthe, d’anis vert, de fenouil et de bien d’autres plantes, avec une recette exacte tenue secrète par chaque distillateur, la boisson anisée connaît un regain d’intérêt en Suisse et à l’étranger.

 

Moisson de médailles. La moisson de médailles obtenues année après année dans divers concours spécialisés explique le succès en gastronomie de cette absinthe produite à Fenin, petit village à quelques kilomètres de Neuchâtel. La liste des grands chefs servant ou utilisant cette absinthe en impose. Il y a bien sûr ceux de la région, Michel Stangl de l’Hôtel de Commune de Dombresson (15 points), Jean-Yves Drevet de la Maison du Prussien à Neuchâtel (16 points). Puis il y a le Valaisan Damien Germanier à Sion (17 points) et Stéphane Décotterd à Brent (18 points) dans le canton de Vaud. La Fée verte de Fenin a même réussi à séduire des chefs à l’étranger, comme Eric Menchon à Cologne (18 points) et Pierre Gagnaire dans son restaurant de Paris (19 points).

 

Qui est Léon? La distillerie Larusée produit trois absinthes très différentes. La Bleue, qui doit son nom aux reflets bleutés du liquide une fois troublé par l’adjonction d’eau, est ronde et rafraîchissante. Composée d’un mélange de dix plantes, elle se boit à l’apéritif ou s’utilise en cuisine avec un poisson ou des crustacés. La Blanche de Léon – nommée ainsi en hommage au grand-père par qui la passion de l’absinthe est arrivée dans la famille – contient 15 plantes différentes, dont de l’edelweiss. Uniquement produite entre septembre et novembre, cette absinthe est plus florale et pourra parfumer les desserts. Enfin, il y a la Verte, qui tire sa couleur et son nom d’une macération avec un bouquet de plantes. C’est la plus puissante et la plus herbacée tant au nez qu’en bouche; en cuisine, elle conviendra pour imprimer plus vigoureusement aux plats les arômes de l’absinthe.

 

Une singulière histoire de famille. Si l’histoire de la distillerie Larusée est récente, elle est néanmoins familiale et faite de transmissions. Jean-Pierre Candaux raconte volontiers à son beau-fils, Nicolas Nyfeler, l’histoire de Léon Duvanel, le grand-père de son épouse. Ce dernier, originaire du Val-de-Travers, rêvait de distiller de l’absinthe, mais, sa femme ne voulant pas en entendre parler, Léon a donc renoncé. En 2012, c’est finalement Jean-Pierre, associé à son beau-fils Nicolas, qui a fait de ce rêve une réalité.

 

Du pastis suisse! Compétent et explorateur, le duo formé par Jean-Pierre et Nicolas diversifie ensuite sa gamme tout en restant fidèle aux goûts anisés. Ainsi, ils produisent le seul pastis de Suisse, et une réinterprétation du falernum, une liqueur douce de la Barbade, où l’absinthe remplace le rhum blanc. N’oublions pas les confitures réalisées par Stéphan Perrotte, champion du monde de confiture 2015: framboise-Larusée Bleue ou ananas-Larusée Verte, toutes deux feront merveille avec des fromages affinés ou sur une tartine canaille lors d’un brunch dominical. Enfin, en édition très limitée, une stupéfiante et complexe absinthe vieillie 36 mois en fût de chêne ayant servi à l’élevage d’un whisky single malt du Speyside en Ecosse.

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