The Alpina Gstaad

Qu’est-ce qui remplace de nos jours sauces au beurre et vinaigrettes? «Le bouillon d’herbes aromatiques», répond Martin Göschel, chef de l’Alpina, à Gstaad. Herbes aromatiques et salades sont mixées et partiellement fermentées pour servir de base à des sauces particulièrement raffinées, légères et saines. La devise «plus de miso, moins de vinaigre et d’huile» est en cohérence tant avec le chef, un amoureux de la nature, qu’avec la philosophie de l’hôtel.
Au Sommet, Martin Göschel sert de plus en plus de grands menus. Qui en a dégusté un sait bien pourquoi. Pour commencer, dans un élégant verre à martini, une succession de couches à traverser avec sa cuillère: gelée de citron vert, crème de pommes de terre, gelée de doucette, caviar belge, crème fraîche. Au-dessus, un coussin de pommes de terre garni de jaune d’œuf. Un chef-d’œuvre de technicité, assurément, mais surtout une rafraîchissante bombe de saveurs estivales. Nous poursuivons avec un ceviche de loup de mer, poisson que Martin Göschel apprécie particulièrement pour sa texture. Le secret de ce plat légèrement pimenté: mousse de frisée et eau de cacao. Le chef explique: «Le jus de cacao et le ceviche s’accordent particulièrement bien. J’y ajoute du zeste de citron, du jus de citron vert, du vinaigre de sureau et c’est prêt.»
Le plat suivant est renversant: des tranches de coquilles Saint-Jacques, presque crues mais légèrement flambées, dressées en demi-sphères et présentées avec une polenta finement assaisonnée. En lieu et place du classique velouté, c’est un bouillon de roquette aux lupins qui accompagne ce plat. Nous demandons une cuillère, tant pour la polenta que pour le bouillon. Nous sommes moins enthousiasmés par la prochaine étape, qui nous emmène en Italie: le risotto carnaroli n’est pas all’onda comme nous l’attendions, mais légèrement lié avec de l’agar-agar. Il accompagne une grandiose langoustine sud-africaine de calibre 3/6 ainsi que de magnifiques artichauts. Le plat principal? Une juteuse poularde de Bresse accompagnée de mini-légumes du voisin Dani von Siebenthal, proposés en trois façons (au four, au Green Egg, farcis). Nous apprécions tout particulièrement la garniture de la poitrine, découpée avec grande précision: trois mystérieux bâtonnets, la viande de la cuisse, le tout parsemé de zeste de citron vert – absolument délicieux. Enfin, pour le dessert, une variation d’abricot très raffinée. La jeune et radieuse pâtissière Kim a cueilli la lavande dans le jardin quelques minutes avant de la servir.
Au Sommet, Martin Göschel est aux petits soins pour ses clients et répond en toute sérénité à leurs moindres souhaits. Les habitués reçoivent leurs spaghetti alla carbonara flambés à table (!) tandis que les petits enfants sont dorlotés. Les végétariens, quant à eux, se voient carrément proposer un «Original Signature Vegetarian Menu» composé de six plats plus sophistiqués les uns que les autres. Point fort: le ceviche de betterave rouge. Et une incroyable cassolette de haricots verts, edamame, morilles et frisée marinée, accompagnée d’une extraordinaire sauce à base de bouillon de piment kanzuri et de lait de coco – fermenté, végane, épicé et acidulé à la fois. Excellent service.
Bahreïn, Bali, Arabie saoudite, Mont- Pèlerin: Tetsujiro Ogata a beaucoup voyagé. En tant que nouveau chef japonais du cultissime Megu, à Gstaad, il aborde aujourd’hui son plus grand défi. Démarrage réussi puisque, même en été, le restaurant est complet. De son côté, Tsutomu Kugota prépare sushis, sashimis et nigiri de classe mondiale. Au sein de cette noble maison, il dispose des meilleurs produits pour les composer: chutoro, otoro, loup de mer, wagyu, foie gras, caviar Ossetra. Prendre place à l’ultra-chic comptoir permet d’apercevoir le travail du maître et ainsi de bénéficier d’une master class en préparation de sushis.
Coup d’œil sur la carte. Le maître d’hôtel italien Salvatore Patrono recommande «Il pollo», en l’occurrence un poulet nanban. La viande a macéré toute une nuit dans une marinade très raffinée. Le poulet est à la fois croustillant et admirablement juteux, servi avec deux sauces différentes, dont une «sauce tartare japonaise» à base de mayonnaise, d’oignon, de gingembre et de piment. Le genre de création qui mérite une ovation. Suivent des tomates multicolores en provenance du marché de Milan, servies avec une vinaigrette amazu (yuzu, mirin, soja, jus de raisin). La tataki de thon est joliment présenté et la sauce soja qui l’agrémente particulièrement bien équilibrée. Pareil pour le saumon, accompagné de chou-fleur et de pistaches. Sa sauce végétarienne à l’oignon, légèrement sucrée, est une agréable surprise. La prochaine nous attend déjà: le tofu soyeux, accompagné d’une salade kaiso et d’une mayonnaise au wasabi constitue une composition très agréable.
Tetsujiro Ogata renouvelle la carte avec prudence. Les classiques restent, tels que les croquantes asperges vertes panées accompagnées de crackers de riz, piment et citron. De même, les différentes pièces de wagyu Kagero grésillent toujours sur les grils de table River Stone – aussi délicieuses que coûteuses. Un souhait: débarrassez-vous des malodorantes bouteilles d’huile de truffe. Les frites n’ont pas leur place dans un grand restaurant japonais, encore moins avec de l’huile de truffe. Malgré cela, 15 points couronnent le nanban, les sushis et les sashimis. Pas les frites.