Le Parc des Eaux-Vives

En matière de tables au cadre enchanteur, Genève compte quelques pépites, le restaurant du Parc des Eaux-Vives en est une. Soit, ces dernières années, le joyau avait perdu de son lustre, mais la nouvelle direction compte bien changer la donne en plaçant la cuisine sous la houlette de Jérôme Manifacier, l’actuel patron du Quai à Hermance, un chef qui n’a jamais caché son souhait de renouer avec l’hôtellerie et la haute gastronomie après avoir quitté ses fonctions à l’Hôtel de la Paix. Peu après sa réouverture, au rez, la Terrasse du Parc propose une carte bistrotière les midis. Le soir, on mange à l’étage des plats plus élaborés. Dans les deux cas, la salle de restaurant se double d’une vaste terrasse qui s’ouvre sur une nature majestueusement maîtrisée, le Léman à portée de regard.
Dans ce décor de rêve, le chef composera pour vous un menu à l’aveugle, le choix du nombre de plats vous revient. Pour vous mettre en bouche, voici quelques churros au fromage bleu et des acras de truite fumée parfaitement troussés. Vous préférez manger à la carte et accompagner votre repas de crus au verre? C’est possible. On vous annonce tout de même que ce sera plus long, très long…
Dans l’assiette? Des pépites et quelques flottements et couacs de jeunesse, mais un programme prometteur. Commençons par le meilleur, cette entrée épurée rehaussée de touches de vert. Des morces de bœuf juste saisies et servies froides. Elles ont mariné dans un jus d’umeboshi, des prunes fermentées, une spécialité japonaise, et s’accompagnent de larmes de mayonnaise à la livèche, de boutons de câpres au vinaigre, ou frits, et de poireaux juste raidis. Ce genre de plat vaut des hourras, tant l’histoire est jolie et bien racontée et tant on en ressort léger. Les écrevisses qui suivent emballent un peu moins. Elles sont panées d’éclats de noix de cajou avant d’être frites, d’accord. Mais pourquoi les associer à un houmous couleur béton, sésame noir oblige? Deux oléagineux: malgré le savoir-faire, la profusion a raison de la délicatesse du crustacé. Des nuages d’aquafaba, cette émulsion d’eau de pois chiches, tentent d’alléger l’ensemble; c’est charmant, mais pas vraiment convaincant. Le poulpe qui suit non plus. Trop gras, il a pour unique compagnie une chiffonnade de fenouil cru soulignée trois fois de basilic thaï et d’une brunoise de citron confit. Le suprême de volaille est servi rosé, recouvert d’une chapelure provençale qui aurait mérité de croustiller. Un rôle qu’assume parfaitement le petit samoussa d’effiloché de cuisse, finement relevé de cannelle. Un régal.
Les douceurs, elles, ont tout juste. Dressages élégants et saveurs très pures. On se régale d’une brunoise de fraises ourlée d’une collerette brodée de crème chantilly vanillée et de ganache au chocolat blanc, une onde de pâte feuilletée pur beurre à l’appui. Les mignardises sont à l’unisson. Et pour toutes ces généreuses attentions, les prix sont vraiment doux. Encore quelques détails en vrac? On regrette une musique d’ambiance inutile. Quant au service souriant, il doit encore peaufiner ses conseils et connaître un peu mieux les plats proposés.