Ermitage des Ravet

Un petit coup d’œil en cuisine et l’on n’en croit pas ses yeux: incarnées par Bernard, Guy et Léo Ravet, ce sont trois générations qui sont ici aux fourneaux! Et personne d’autre. Le trio est bien rodé, la mise en place est parfaite. Chaque mouvement est millimétré et personne ne se doute que pour faire vivre ce restaurant qui affiche régulièrement complet, c’est en fait une mini-brigade qui fait tout. En salle, Ruth et Nathalie Ravet impriment au «Menu Grand Angle» un rythme parfait. «Travailler en famille nous rend plus forts, nous nous comprenons sans parler et nous nous faisons une confiance absolue», explique Guy Ravet, le jeune chef qui, pendant son temps libre, court les ultra-marathons alors qu’il vient aussi d’être élu président des Grandes Tables de Suisse.
A l’apéritif, dans le parc de la maison où s’ébattent canards et pigeons, l’entrée en matière met en scène des truites arc-en-ciel du village proche de L’Isle. Avec l’éleveur, les Ravet surveillent la couleur et la taille du noble poisson pour l’apprêter au meilleur moment. Sorties toutes fraîches de l’eau de la Venoge qui coule dans les bassins, elles sont doucement cuites, délicieusement tendres, et arrivent accompagnées de petits haricots croquants et d’oignons de printemps. A ne manquer sous aucun prétexte, le homard breton est servi avec des œufs de homard (!), des girolles, des radis et du maquereau. Les Ravet savent entretenir de bonnes relations avec les champignonneurs qui parcourent pour eux les forêts de la vallée de Joux, dont ils rapportent des trésors comme ces rares et délectables amanites des Césars. Le ris de veau croustillant est servi parfumé de sauge. Puis arrive un classique de la maison, le turbot de ligne. La tête du poisson sert à préparer le fumet qui donnera l’élégante sauce, que l’oseille du jardin viendra rehausser. Guy Ravet aime les pâtes. Ses raviolis à la joue de bœuf et au céleri tout droit sorti du Green Egg arrivent baignés d’un bouillon légèrement fumé.
Bernard Ravet vient de Bourgogne, et sa collection de vins en provenance de cette région est tout simplement magnifique. Ainsi ce Meursault Charmes Premier Cru 2016 du Domaine Ballot Millot & Fils ou ce Charmes Chambertin Grand Cru 2016 de Gérard Raphet. Bourguignonnes également, ses sauces d’un raffinement exquis, pertinemment adaptées aux attentes du XXIe siècle. Une exquise pochouse (soupe de poisson) vient donner la réplique aux tendres cuisses de grenouille désossées de Vallorbe. Avec la sole de chez Luca Bianchi, en Bretagne, les Ravet servent des légumes anciens (notamment des pommes de terre Purple Rain) de culture biologique et, surtout, une sauce meurette élaborée avec du R30, le cru phare de la collection de vins de la famille.
L’option carnivore est acheminée chaque semaine par avion depuis le Japon: le wagyu Kagoshima A5, dont les parures agrémentent un taquin pain perdu. Le wagyu importé d’Extrême-Orient est frotté au miso de Morges. Guy Ravet a découvert sur Instagram quatre Japonaises qui préparent cette pâte avec du soja suisse. Une fois le plat principal envoyé, Bernard Ravet descend à la boulangerie de la maison afin de préparer du pain pour le petit-déjeuner du lendemain. Guy, lui, s’occupe des desserts, avec comme arme secrète de la vanille bleue de l’île de la Réunion. Il l’a découverte dans un documentaire sur Arte bien après minuit et aussitôt commandée sur internet. Ainsi vont les choses de nos jours!