Photos: François Busson
Pourquoi cet amour des tomates et de la cœur-de-bœuf en particulier?
J’ai passé toute mon enfance dans la région de Sydney en Australie. Mon grand-père avait un grand jardin où il faisait pousser de belles tomates cœur-de-bœuf, bien fermes, dont certaines dépassaient le kilo. Il ne les mettait jamais au frigo. Cueillies à maturité, il les posait sur le rebord de la fenêtre dans la cuisine. On se servait à volonté et on les mangeait juste avec un peu de sel, de poivre, d’huile d’olive et de vinaigre de malt. A cet égard, je suis vraiment content de voir toutes ces anciennes variétés de tomates qui réapparaissent depuis une dizaine d’années sur les marchés suisses.
Craig Pelington, chef du Peyrou à Neuchâtel.
Bio, végétarien, végane: intéressant ou consternant?
La floraison de ces régimes alimentaires découle d’une mauvaise gestion de la production de notre nourriture. Les scandales de ces dernières années, en particulier dans le domaine de la viande, ont rendu les consommateurs plus attentifs à l’origine de ce qu’ils mangent. Ce qui est une bonne chose pour tous les cuisiniers comme moi qui ont toujours sélectionné les produits qu’ils travaillent avec soin. Ce qui est dommage, c’est que beaucoup de gens ont perdu confiance dans les producteurs et ont peur aujourd’hui dès qu’ils se mettent à table.
Quel client vous a le plus touché?
Pas un client en particulier. Mais ce qui m’a toujours fait énormément plaisir, c’est de convertir au poisson des clients qui, à priori, déclaraient ne pas l’aimer. Ce qui est fréquent en Suisse… Pour apprendre aux gens à aimer le poisson, il faut commencer par des espèces faciles qui n’ont pas un goût trop prononcé comme la daurade ou la sole et, surtout, les choisir ultra frais. Ensuite, une cuisson simple démarrée à l’huile d’olive et un peu de beurre et de citron à la fin pour exalter les saveurs. Sinon, j’apprécie beaucoup ma clientèle suisse alémanique: ce sont des hôtes exigeants mais jamais pénibles. Mais un restaurant, c’est un peu comme un théâtre: il faut soigner ses entrées, soigner ses sorties et, au milieu, on se débrouille…
Comment caractériseriez-vous la cuisine australienne?
C’est une cuisine pleine de soleil à la confluence de nombreuses influences étrangères car l’Australie, peuplée au départ par les Anglais, a connu des vagues d’immigration successives: chinois, italiens, grec , vietnamiens, thaïs… Ces dernières années, on a également redécouvert l’incroyable richesse de produits qu’utilisaient la population native, les aborigènes: les baies de la forêt tropicale et de la forêt sèche, les écorces, les herbes, les fruits et le miel de manuka, aujourd’hui très à la mode. De la fusion de ces différents apports est né le terme de cuisine « méditerrasienne » pour caractériser la cuisine australienne. Si vous allez là-bas, je ne peux que vous recommander Quay, de Peter Gilmore, la meilleure table d’Australie. Mais c’est très très cher… Alors, quand je suis à Sydney, je préfère souvent aller au marché, choisir de jolis fruits de mer ou de belles côtelettes d’agneau pour les cuisiner moi-même.
Et quand vous sortez manger dans la région?
J’aime beaucoup aller chez Bichon au Bémont dans la vallée de la Brévine. Il y une église, où je me suis marié avec Françoise il y a 26 ans, une fromagerie qui a gagné une médaille d’or avec son gruyère cette année et ce bistrot de campagne qui propose de bons plats traditionnels servis à l’anglaise, en salle, par des dames du village tout aussi traditionnelles. Ils font très bien la chasse et leur langue de bœuf est presque aussi bonne que celle de ma grand-mère.
C’est le plat de votre enfance dont vous gardez un souvenir ému ?
Tout à fait, mais ce n’est pas la recette que je propose plus bas car je sais que les Suisses ne sont pas très abats… Mais mes grands-parents qui avaient du bétail mangeaient tout dans l’animal, la langue étant considérée comme un morceau de choix. Ma grand-mère cuisait sa langue de bœuf ou d’agneau dans un bouillon avec plein de légumes et 3 ou 4 oranges épluchées. Il faut dire que ma famille figure parmi les pionniers de l’introduction de la culture des citrons et des oranges en Australie et ma grand-mère en mettait partout. La langue cuite, elle l’épluchait et la pressait dans un récipient avec le jus de cuisson, les légumes et les oranges. Elle laissait le tout refroidir 24 h jusqu’à obtenir une espèce de pain de langue en gelée que l’on coupait en tranches pour le manger froid avec un chutney de tomates vertes.
>> La recette du curry de lapin de Grand’ma (recette pour 16 personnes)
Ingrédients
16 cuisses de lapin coupées en 4 (avec os)
2.5l de fond de volaille
5dl de vin blanc
3 gousses d’ail
100g poireaux ciselés
300g oignons hachés
600g carottes en grosses rondelles
200g de raisins secs
1 tasse de petits pois
2dl huile de tournesol
100g de farine (2x50g)
50g de poudre de curry madras
1 bâton de cannelle
1 anis étoilé
10g de poivre en grains
2 feuilles de laurier
Sel et poivre
Préparation
- Enrober les cuisses de lapin de poudre de curry de madras et 50g de farine
- Faire revenir les cuisses dans une casserole avec l’huile jusqu’à coloration
- Ajouter tous les légumes sauf les petits pois et les raisins et faire revenir 3 min
- Ajouter le reste de la farine avec toutes les épices
- Mouiller avec le vin et le fond de volaille
- Laisser mijoter 1h
- Ajouter les petits pois et cuire encore 5 min
- Lorsque le lapin de détache légèrement des os, C’est cuit!
- Servir avec un riz pilaf