Pourquoi avoir fait du topinambour votre légume fétiche ?
Il y a quatre ans, lorsque j’ai ouvert mon restaurant dans l’ancienne boulangerie de Massongex, je l’ai baptisé l’Héliantis. Il s’agit d’un légume un peu oublié, cousin du topinambour, que j’adore cuisiner parce qu’il se prête à une foultitude de recettes salées, mais également sucrées. Il dégage des parfums et des saveurs très différents selon la manière dont on l’apprête. Lorsque je prépare une purée de ce légume, j’en cuit une partie à l’eau et grille l’autre à la poêle. Je mixe le tout à la fin et cela donne une purée avec un peu plus de pêche. L’hiver dernier, je proposais un civet de bouquetin lié avec une purée de topinambour plutôt qu’avec du sang. J’ai créé également un bavarois topinambour fève tonka qui a si bien marché que les clients ne cessent de me le redemander.
Julien Gaussares en pleine contemplation d’un topinambour «Rouge de Bordeaux.»
La recette de votre enfance qui vous a laissé un souvenir inoubliable ?
Ma maman cuisinait un poulet mijoté à la moutarde en grains avec des brocolis que j’ai essayé plus tard de reproduire sans y parvenir. Car, formaté par le centre professionnel et mes divers apprentissages, j’appliquais le sacro-saint principe des cuissons séparées de la viande et des légumes et je rajoutais les brocolis juste avant de servir. Mais je ne retrouvais pas les goûts de mon enfance… Alors j’ai demandé sa recette à ma mère (voir plus bas) qui m’a avoué qu’elle cuisait tout simplement les brocolis avec le poulet près avoir rôti ce dernier à la poêle. On obtient un brocolis archi cuit qui, d’habitude a un goût très désagréable. Mais, là, avec la moutarde, c’est délicieux.
Le chef que vous révérez ?
Sans conteste, Pierre Gagnaire, qui après une faillite retentissante dans sa ville d’origine, Saint-Etienne, lorsqu’il était jeune, a conquis Paris et le monde. Il supervise aujourd’hui une quinzaine de restaurants ! J’ai mangé trois fois chez lui sans jamais arriver à identifier tous les ingrédients ou toutes les cuissons d’un seul de ses plats. Il maîtrise une immense palette qui va de la vieille cuisine française à la cuisine moléculaire et possède une griffe reconnaissable entre toutes. Il est à la fois d’une précision et d’une originalité hors normes et constamment innovant et déroutant. Grâce à ses livres que je possède tous, j’ai beaucoup appris sur la cuisine et j’ai pu élaborer ma propre philosophie culinaire.
La philosophie de votre restaurant, c’est qu’il n’y a pas de cartes…
Le soir je propose trois menus surprises à 65, 86 et 104 francs avec une, deux ou trois entrées. Je m’informe juste des éventuelles allergies ou répugnances alimentaires des gens quand ils commandent et, après, c’est la saison et le marché qui m’inspirent. Cela me permet de toujours servir des produits frais, locaux et de saison. Mais c’est un concept qui a eu un peu de mal à s’imposer. J’ai des clients, au début, qui sont carrément repartis lorsqu’on leur a dit qu’il n’y avait pas de carte. Et puis, on est entré au GaultMillau, on a fait la couverture de L’illustré et ça nous a fait décoller. Quant au point supplémentaire obtenu cette année (15), c’est également une aubaine. Aujourd’hui, les gens nous disent souvent que grâce à cette formule, ils ont dégusté des plats qu’ils n’auraient sans doute pas commandés à la carte et qu’ils les ont adorés.
Végétarien, végane…, ces courants actuels vous irritent ou vous séduisent ?
Avec mon épouse, qui est végétarienne, nous avons un potager de 600 mètres carrés à Vernayaz et un verger où nous avons un des rares pommiers franc roseau subsistant en Valais. Alors qu’il y a cinquante ans, c’était le pommier emblématique du Valais… Lors de mes différents apprentissages, j’avais été choqué de constater que dans la plupart des cuisines, toute l’application que l’on mettait à cuisiner des viandes ou des poissons disparaissait lorsqu’il s’agissait de préparer des légumes. Or, le monde végétal est beaucoup plus vaste que le monde animal, contrairement à ce que l’on nous enseignait à l’époque, et se prête mieux aux multiples déclinaisons culinaires. Avec un poireau, entre le blanc, le vert et les racines, j’arrive à sortir cinq textures différentes! Donc, la mode végétarienne ne me dérange absolument pas.
Par contre, les véganes qui caillassent les boutiques d’artisans bouchers ou fromagers m’irritent profondément. Ce n’est pas à ces petits commerces qu’il faut s’attaquer mais aux industriels de l’alimentation et de l’élevage et avec des moyens plus pacifiques. Et c’est aussi aux consommateurs de privilégier les circuits courts artisanaux et de faire le choix de manger autre chose que du filet, de l’entrecôte et du rumsteck. Sinon, des élevages exemplaires comme la Ferme du Nant à Monthey ne survivront pas.
La cuisine du monde qui vous ravit ?
Ma femme ayant une grand-mère espagnole, nous allons souvent à Alicante dans sa maison de famille et je suis devenu un fan de la cuisine ibérique. L’étonnant, c’est que le pays sortant à peine d’une grave crise économique, les cuisiniers là-bas rivalisent d’imagination pour s’en sortir. A l’image de ce grand chef barcelonais qui cuisine aujourd’hui dans son appartement faute d’avoir eu les moyens de se payer un restaurant. Sa liste d’attente est de six mois !
A Alicante, je recommanderais la Cerveceria Sento Rambla pour ses tapas que l’on dévore debout dans une minuscule cave voûtée et jusque dans la rue. Et si on veut de la très bonne cuisine, il faut aller au Monastrel, goûter les plats de Maria José San Romàn.
>> Découvrez sa marmite de poulet de la Gruyère
Ingrédients
1 poulet de la Gruyère
1 carotte
1 gousse d’ail
1 petit oignon 2 brocolis
3dl de vin blanc
3dl de bouillon de volaille
2dl de crème
1 cuillerée à soupe de moutarde en grains
Préparation
- Découper ou faites découper votre volaille par votre boucher afin de séparer les cuisses, les ailes et les suprêmes.
- Dans une casserole en fonte, colorer les pièces de poulet coté peau.
- Retirer les morceaux de poulet et faire suer la carotte et l’oignon couper en macédoine avec l’ail haché.
- Déglacer au vin et faire réduire, puis ajouter le bouillon de légumes.
- Remettre les morceaux de poulet et laisser mijoter 40 minutes.
- Ajouter les brocolis détaillés en sommités et la crème, couvrir et laisser réduire encore 30 minutes.
- Avant de servir, ajouter la moutarde et remuer.