Photos: François Busson

Quel est votre ingrédient fétiche?

Le poivre de Sichuan, que j’ai découvert sur un marché lors de mon premier voyage en Chine. J’ai tout de suite été intrigué et attiré par son parfum, et je l’utilise aujourd’hui aussi bien pour apprêter un foie gras avec du porto dans lequel j’ai fait infuser quelques baies que dans des desserts ou des sorbets. Par la suite, je me suis intéressé à d’autres poivres: le faux poivre de la Jamaïque, le vert d’Egypte, etc. Mais mon favori reste le Sichuan, et c’est désormais Nicolas Guinand, l’artificier de Neuchâtel, qui se rend souvent en Chine, qui m’en ramène.

Vincent Juillerat

Le chef Vincent Juillerat

La recette de votre enfance qui vous fait encore saliver?

Les tomates farcies de ma maman, qui embaumaient la maison familiale de Cormondrèche. Il y avait un petit jardin devant, où l’on plantait tous les ans des tomates. C’étaient les gamins qui étaient chargés d’aller les ramasser et on faisait un peu les débiles dedans… Sinon, le jambon au madère était aussi un grand classique du dimanche.

 

Si vous sortez au restaurant, c’est pour aller où?

J’appréciais beaucoup Georges Wenger, surtout son travail avec les producteurs locaux, mais il vient de quitter le métier. J’aime bien le Prussien de Jean-Yves Drevet, qui est un collègue des Jeunes Restaurateurs d’Europe. Sinon, j’ai toujours gardé un attachement pour la maison où j’ai fait mon apprentissage, Le Poisson, à Auvernier. C’est un des seuls restaurants de Neuchâtel qui proposent de l’omble chevalier ou du brochet entier cuit au four, servi à l’anglaise en salle, sur guéridon. Bien entendu, il faut réserver et, si on est gentil et qu’on le demande poliment, ils le font volontiers (rires). En général, je préfère d’ailleurs aller chez des collègues, car je sais que je serai bien soigné avec un petit menu spécialement concocté pour moi. C’est notre récompense du lundi, avec ma sœur, quand on a bien travaillé durant toute la semaine.

 

Votre saison préférée?

L’automne, surtout pour le coing, qui est mon fruit préféré. J’aime le travailler confit, en pâte de fruit pour mon assiette de mignardises. J’ai un petit faible également pour les marrons, que j’explose au four à 160°C avant de les caraméliser. Et puis il y a les salsifis, les topinambours… Tout un tas de légumes-racines que je sers au moment de la chasse autour d’un filet de cerf ou de sanglier. J’ai droit à deux chevreuils suisses, mais ils partent vite et je dois avoir recours à de la chasse sauvage de Nouvelle-Zélande. Une viande de très bonne qualité, mais qui demande pas mal de boulot à parer parce que les bêtes ne sont pas calibrées. Pareil avec les baby-bœufs, que j’achète directement chez un éleveur à Travers, que je dois découper et mettre sous vide. Beaucoup de boulot pour le prix qu’on le vend, alors que certains se contentent d’aller chez Aligro.

 

Le client qui vous a le plus touché?

Il y a deux ans de cela, j’avais à la carte une souris d’agneau que je cuisais sept heures au four. Une dame est venue la manger un soir et m’a fait demander pour me féliciter pour la tendresse et le goûteux de la viande. Je l’ai remerciée tout en lui expliquant ce qu’était une cuisson longue à basse température. Jusque-là, rien de très original… Sauf que le lendemain, devant la porte à 17 heures, je retrouve ma petite dame avec une souris d’agneau dans un tupperware! Elle l’avait elle-même cuisinée et tenait à me la faire goûter… C’était très bon, bien qu’un petit peu dur car elle manquait de cuisson.

 

>> La recette des tomates farcies de son enfance:

Ingrédients

4 tomates cœurs de bœuf

800g de viande hachée pur bœuf

2 oignons

Miel

Persil frais du jardin

3dl de vinaigre de framboise

Huile de tournesol

 

Préparation

  1. Evider la tomate
  2. Couper le chapeau à 1/3
  3. Confire les tomates avec miel, sel, poivre et vinaigre de framboise
  4. Mettre les tomates au four pendant 1 h 15 à 120°C couvertes d'un papier sulfurisé
  5. Faire sauter les oignons ciselés dans l'huile de tournesol
  6. Faire revenir la viande hachée avec l'oignon et ajouter le persil
  7. Rectifier l'assaisonnement avec le sel et le poivre
  8. Farcir les tomates avec la masse
  9. Réchauffer au moment de servir

Le conseil du chef: rajouter des racines de curcuma pour donner plus de goût à la viande.